On peut penser ce qu'on veut de la façon dont s'est déroulé ce contre-sommet.
On peut rappeler, ou pas, ce qu'implique le fait de "fêter" le 60ème anniversaire d'une organisation guerrière qui, pour certains, met le monde à feu et à sang depuis 60 ans.
On peut mettre, ou pas, cette violence là en relation avec l'autre, celle de quelques centaines de citoyens européens habillés en noir, qui a inondé les écrans télé ce week-end.
On peut noter, ou pas, que pour des gens présentés comme des "casseurs", venus pour "tout péter", leurs cibles présentent une certaine cohérence et sont étonnamment représentatives de l'Etat et du capitalisme (un poste frontière, un commissariat, une station Elf (groupe Total), un hotel Ibis (groupe Accor), une pharmacie (qui jouxtait une banque ou un distributeur) et...une église)
On peut s'étonner, ou pas, qu'une horde barbare déchainée, à laquelle on a "livré un quartier en pature", n'ait commis strictement aucune dégradation de biens personnels ; qu'aucune voiture n'ait été brulée ou même renversée, qu'aucun habitant n'ait été bousculé, blessé ou volé (un seul strasbourgeois agé a été hospitalisé après avoir été incommodé par... les gazs lacrymogènes)
On peut sourire enfin, ou pas, du fait que, pour des gens censés être de jeunes abrutis décérébrés, laisser le tag suivant sur une chapelle en feu est pour le moins improbable :
"La religion n'est autre chose que l'ombre portée de l'univers sur l'intelligence humaine" (Victor Hugo)
Bref, on peut essayer de comprendre ou juste vouloir faire de l'audience avec de belles images, mais tel n'est pas mon propos.
Quoiqu'on pense de ce qui s'est déroulé au sommet de l'OTAN ce week-end, toute personne un tant soit peu attachée à l'idée de justice ne pourra qu'être outrée par les premières condamnations qui viennent de tomber :
Un Allemand de 25 ans "aurait été vu en train de jeter des pierres contre une patrouille de police" : 6 mois fermes.
Un autre, 23 ans, a été "interpellé avec une barre de fer" : 6 mois fermes !
Le 3eme, 23 ans également, a été interpellé avec une hachette : 3 mois fermes.
A ce stade, certains se disent peut-être "Ouais, bon, ils l'ont bien cherché, il faut voir le bordel qu'ils ont foutu".
OK, très bien. C'est à peu près ce qu'on veut que vous pensiez.
Sauf que samedi, ils n'étaient pas là. Samedi, pendant les incendies, ils n'étaient pas là parce qu'ils étaient tous... au poste depuis plus de 24h !
Le premier a été interpellé jeudi, les deux autres vendredi.
Ces trois là sont tout simplement en train de "payer pour les autres", parce que des responsables politiques ont demandé des coupables. Et ça, ça n'a rien à foutre dans un état de droit.
Je conseille vivement de lire les dépêches et articles officiels, pour voir avec quel soin (voire talent presque), on vous emballe tout ça dans un joli amalgame, avec un titre bien générique, en prenant soin de citer juste après deux suspects qui, eux, ont bien été interpellés samedi et en faisant suivre systématiquement le tout par "il s'agit des seuls suspects interpellés après cette journée de samedi, etc." Lesquels ?
Les deux derniers ? ou tous ?
Pourquoi donner tant de détails qui n'ont rien à voir et oublier si adroitement de dire que les condamnés ont été arrêtés AVANT ? parce que ce n'est pas important ?
Maintenant essayez d'imaginer ce que peuvent être 6 mois d'une vie en taule et relisez les condamnations à la lumière de ce petit élément : Nous sommes donc un ou deux jours avant que ça parte en sucette.
3 mois ferme pour avoir eu une "hachette" sur lui. Les gens en question vivent depuis 3 jours dans un camp, à côté d'une foret. Un camp qu'il faut constuire, avec les moyens du bord, généralement des branches récupérées à côté. Sans compter les feux de camp le soir. Une hachette.
6 mois pour une barre de fer. OK, ça ne sert pas à allumer le feu. Mais bordel, rien n'indique qu'il s'en soit servi. Le contraire est même quasiment certain sinon le chef d'inculpation n'aurait pas été le même (violences ou dégradations). OK, il a ramassé une barre de fer. On a aussi, dans ces cas là, le droit d'avoir peur et de vouloir se protéger. Peut-être avait-il l'INTENTION de s'en servir. Peut-être, mais on n'est pas censé condamner l'intention. Non, le seul truc condamnable est donc bien le "port d'arme prohibé".
Dans ce cas, 6 mois de prison ferme pour une barre de fer dans la main, sans s'en être servi, sérieux, on habite où là ?
Enfin, 6 mois pour avoir été vu en train de jeter des pierres sur des agents de la force publique.
Bon. Je passe sur la gigantesque confusion dans laquelle se passe généralement ce type d'interpellation (j'ai moi-même été arrêté un jour pour "avoir construit et mis le feu à une barricade" dont je ne connaissais même pas l'existence), mais dans la mesure où la personne nie les faits, et qu'il y en a eu près de 300 ce jour là (le jeudi) ça me semble quand même important.
Bref, on en est là alors ? 6 mois pour avoir jeté des pierres ? et dans les cours d'école, on fait pareil ?
Et quand ce sont des "agents de la force publique" qui jettent les pierres, c'est combien ?
gratos ?
C'est offert par la maison ?
Sérieusement, je suis écoeuré. Je n'ose même pas imaginer combien vont prendre les deux pauvres zèbres qui se sont fait choper le samedi.
Mais voilà, la France d'en haut réclame du chiffre. Des coupables, des têtes.
A tel point que nos pauvres "forces de l'ordre" (qui ont du se faire souffler dans les bronches avec leurs deux seuls suspects pour samedi) sont aller faire la retape dès le lendemain à la sortie du camp, histoire de voir s'il n'y aurait pas moyen de remplir un peu les geoles de la République.
Et bien elle a une bien sale gueule, la République, par les temps qui courrent.
Voix off : "Aujourd'hui, mardi 7 avril 2009, 141ème jour de captivité pour Julien Coupat. Les otages français en France n'ont toujours pas été libérés."
Je pense que même les plus pacifistes parmi les participants à ce contre-sommet sont repartis avec de l'amertume...
Rédigé par : Dn | 30/06/2009 à 01:24